mercredi 13 août 2014

CHRONIQUE DE VIE D’UNE IDEL

« Allez courage, encore demain matin et ensuite vacances pour 3 semaines… », Ça laisse rêveuse
Plus de réveil à 5h45, plus de patients, plus de rendez-vous à 11h au cabinet, plus de travaux en ville qui moblige à faire du slalom avec ma petite voiture rouge 3 semaines Si attendues Cest sûre, j’étais en repos mardi mais jai du gérer le vandalisme de ma petite voiture rouge! Qui aurait cru ça dans notre douce région et bien, aux dires des gendarmes, la campagne cest plus ce que c’était ma brave Dame! Merci, je viens encore den faire les frais!
La violence dans notre métier, vaste sujet. Qui de nous, blouses blanches intervenant au domicile, nen a jamais été victime?

Si je reprends la définition sur le net, je trouve: « La violence est lutilisation de force physique ou psychologique pour contraindre, dominer, causer des dommages ou la mort. Elle implique des coups, des blessures, de la souffrance.
Selon l'OMS, la violence est l'utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à lencontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d'entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès. ». Tout est dit, plutôt tout est écrit: la violence cest faire mal à quelquun soit par des coups soit par des mots. Aie Aie Aie! Ce qui est aussi difficile cest de découvrir que malgré un rôle dans le mieux-être dautrui, je suis victime de violence. Je viens te faire du bien et tu  me fais du mal Verbalement voire physiquement Difficile dilemme à vivre.
Lautre jour, je commence la prise en charge dun pansement chez un monsieur de plus de 70 ans tout à fait alerte et en pleines capacités mentales connu de notre cabinet. Un tout petit pansement coté AMI 2 pour nos amis de la Sécurité Sociale, situé à moins de 2km du cabinet donc pas dindemnités kilométriques qui plus est situé à 500 m à vol doiseaux dun cabinet de consœurs mais mobligeant à traverser toute la ville. Au premier rendez-vous, vers 10h, le patient me demande si jeudi, jour de marché, je pense venir vers 8h. Je lui réponds calmement, qu’à lheure actuelle, il mest impossible de planifier son pansement si tôt dans la matinée compte tenu des priorités de soins des autres patients et que je pense intervenir à partir de 10h! Monsieur bougonne, pas content, me disant quil allait changer de cabinet si je ne venais pas à 8h00. Soit, la liberté du choix de son infirmière lui appartient. Deux de mes collègues continuent les soins entre 10 et 11h les jeudi, samedi et lundi. Pas dalerte de la part de mes collègues face au mécontentement du patient, pas de rendez-vous signalé par ce dernier, donc mercredi jarrive chez lui à 10h45. J’étais dans le créneau des 10/11h seulement Madame et Monsieur étaient en train de sinstaller en voiture, Monsieur au volant. Très vite, il descend, claque sa portière et se dirige vers moi dun pas très décidé.
« Cest à cette heure là que tarrives? Jai que ça à faire, à tattendre, tiens javais mis ça sur la porte! » C’était sa formule de bienvenue! Le patient avec ses 70 ans mesure quand même 1,80m pour 100kg environ, me fait face,  camper sur ses deux jambes à me toiser, moi et mon 1,60m pour 65kg et ses yeux baignant de méchanceté.
Gardant mon calme, je réponds un simple bonjour et prends le petit mot quil me tend « Jai fait le poireau jusquà 10h30, jai autre chose à faire que vous attendre, je me passerai de vos services. » Que damabilité!
« Ten pense quoi? Tas rien à dire? Évidemment, toute façon… » Et il marrache son billet doux des mains, le chiffonne et le jette à terre.
« Toute façon quoi? Je vous demanderai déjà de ne pas me parler comme ça, je ne suis pas là pour ça, et vous étiez prévenu que les soins se dérouleraient entre 10 et 11 h00. »
L’épouse qui est descendue de voiture, ouvre la porte de la maison et entre; son mari, lui emboite le pas et je suis dans loptique de faire ce petit pansement quand soudainement, il se retourne, face à moi et avec un regard tout à fait dédaigneux pour moi, me lance un « puisque cest ça jvais me débrouiller tout seul, puisquelle est pas foutue venir plus tôt celle-là et puis jvous interdit de remettre les pieds chez moi » et il ressort sinstaller au volant de sa voiture.
Sa femme transpire de honte pour lui.
Je lui lance un « cest comme vous voulez mais vous allez me régler ma facture où je vais enlever le soin daujourdhui », « tas intérêt! »…
Jai refait la facture, prends le chèque fait par l’épouse, salue celle-ci et remonte en voiture.
Au final: des mots durs avec un patient non patient pour environ 35, une violence dans ses propos envers moi où je me suis sentie rabaissée au plus bas malgré 11 ans dexercice en libéral et du temps et de l’énergie de perdus inutilement, enfin, cest ce que je pense.
Lorsque je suis rentrée au cabinet ce jour là, jai croisé mon associé. Ancien rugbyman, cest vous dire le gabarit, quand il y a du soleil, je peux me mettre à lombre! Il me raconte quun patient lui avait dit qu’ « il ne voulait pas que ça lui fasse sa prise de sang! ». Le « ça » était mon collègue Sans commentaires Juste un petit économique: la prise de sang avec insulte c’était environ 9 et un nœud à lestomac pour le grand soignant baraqué plaqueur de ballon ovale, remboursé par lassurance maladie. Pas le nœud à lestomac, non, la prise de sang.
Les insultes, les gestes déplacés, les dommages matériels et les agressions physiques fragilisent notre corps et notre âme de soignant. A quel prix? Il faut laimer ce foutu job, où à chaque nouveau patient vous ne savez pas ce qui va se passer, ce que se trame de lautre côté de la porte. Une fois à lintérieur, au domicile, vous êtes la mouche dans la toile daraignée à la merci du prédateur et dans la tête dun grand nombre de patients le soignant a besoin du patient
Et le respect dans tout ça? Cest plus ce que c’était ma brave Dame (bis repetita).
Jai débuté en libéral il y a eu 11 ans par choix, envie et opportunité. Durant ces années, jai connu les insultes, les critiques, le commissariat un dimanche soir pour une main levée, une voiture vandalisée avec vol. Dans la balance du bien-être du soignant, tout ceci pèse lourd et jai appris, puisque mon corps ne ma pas laissé le choix, à me détaché de mon travail et privilégier ma vie de maman, de femme, damie, de formatrice avec mes stagiaires. Jaime mon métier mais lorsquon tire trop sur les réserves, notre corps a le dernier mot et là encore, rien nest fait pour le soignant en souffrance, et cest ce fameux burn-out que tout le monde connait qui fait son entrée!  En libéral, on continu au maximum du maximum de nos capacités. Pas darrêt maladie possible parce que pas forcément dassurances, pas de remplaçants pour les patients. Donc quil arrive nimporte quoi, on retourne chez nos patients au plus vite avec le sourire et on les écoute, eux et leurs malheurs. Et nous, on continue en espérant quun jour on ait un mot gentil de nos autorités de tutelles. Pas grand chose, seulement une reconnaissance pour les collègues victimes, seulement un droit dexpression, seulement des encouragements comme un enfant en cursus scolaire. Puisque la reconnaissance ne peut se faire par la revalorisation de nos chers A.M.I et A.I.S, quelle se fasse par les mots afin de panser nos maux
Ouh làlà! Je crois que ma dernière matinée va être difficile, il est déjà 00H16, debout dans 5h30, boulot, récupération de ma petite voiture rouge et préparation des valises!
Une pensée particulière à Mireille et Frédérique.

Stéphanie infirmière libérale dans lest de la France

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